8 juin 2007

Talents à la pelle?

Ces derniers temps, il semblerait que les concours de talents pullulent sur Internet. Au gré des nouvelles inventions des sites initiateurs de concours, des hordes de jeunes gens créatifs se précipitent sur les défis qui leur sont proposés dans le but de proclamer leur génie au monde entier.

Prenons l’exemple des trois derniers concours ayant récemment attiré l’attention de Gavrix. Wat The Fuck (vous ne rêvez pas, c’est bien le titre du concours) cible les musiciens en herbe et propose de gagner un contrat avec la maison de production EMI. Du côté de Blogauteurs et la maison d’édition Plon, il s’agit de dénicher le futur écrivain à succès chez les blogueurs. Pas de contrat à la clé chez Blog Bang, mais la possibilité de devenir célèbre en tant que créatif publicitaire en concevant la publicité d’inauguration de «la plateforme publicitaire qui donne la liberté aux internautes de s’exprimer et de créer des messages publicitaires sur les marques qu’ils aiment». (Je ne sais pas vous, mais j’ai toujours rêvé d’une telle plateforme).

Les slogans sont aguicheurs, les animateurs se veulent convaincants. Sur WAT on nous annonce ainsi «La plus grande opération de détection de talents de toute l’histoire du Net». Sur Blog Bang, on est plus direct : «Be Famous, Make Money» (imaginez, le gagnant du premier concours remportera un MacBook Pro 17’’, le début de la fortune). Et, bien sûr, les sites affichent une ambiance groove, jeune, branchée, tentant de redonner du glamour à des industries sclérosées.

Sincèrement, quel sentiment génèrent ses concours?

L’impression d’observer une industrie en crise qui ne fait plus rêver, ne crée plus, mais ne veut pas pour autant céder le pouvoir à l’artiste. Mais, dans le message envoyé par le biais des concours, les rôles sont inversés. Les créatifs apparaissent comme demandeurs et les diverses maisons de production comme les pourvoyeurs bénis de contrats. Le message peut également donner le sentiment d’une dépréciation des talents sous l’effet volume. En effet, les talents abondent, à tel point qu’il suffit de lancer des concours pour cueillir des jeunes créatifs soi-disant naïfs et affamés.

Tout ceci occulte l’aspect de la création qui réside toujours et avant tout dans le travail et la durée. C’est cet aspect qui assigne une valeur marchande à la prestation du créatif que les maisons de production s’efforcent d’oublier. Ici, les talents se découvrent, gratuitement, tels des champignons ayant poussé après la pluie. Dans la vraie vie, un jeune qui est parvenu au stade de la maquette/tapuscrit a déjà longuement travaillé pour trouver sa voie artistique, définir son style et achever sa première œuvre. En réalité la part de talent est souvent moindre que celle du travail.

Et que se passe-t-il du côté des jeunes concurrents créatifs?

A la différence d’une prospection traditionnelle (envoi de maquettes, de tapuscrits, de books) qui respecte la relation bilatérale entre le créatif et le producteur, les concours projettent l’artiste dans la masse de ses semblables et annihilent toute individualisation. Pas de rapport privilégié avec l’interlocuteur, pas d’appréciation absolue sur les qualités de l’œuvre… Les concours favorisent la comparaison et les appréciations relatives. Pour un artiste se sentant par nature unique, cette plongée dans la masse peut déstabiliser.

Les intentions des initiateurs de concours apparaissent obscures. Certains cherchent à générer du trafic et des revenus publicitaires sur leur site. D’autres à créer un buzz médiatique… La plupart tentent de surfer sur la vague «vu sur MySpace» ou «vu sur Internet», pour éviter d’être dépassés par la montée de l’autopromotion artistique, mettant sérieusement en péril la suprématie des producteurs. Alors on plante des décors illusoires, on flatte l’ego et on empoche. Tiens, ça fait penser à la fête foraine dans Pinocchio…

Grommellements.

Photos par ordre d'apparition: é pá par antosousa, dig this! par Andreas Rheinhold, Shovel par Scott Foy toutes trois sous licence Creative Commons

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2 commentaires:

Sammy a dit…

Tout bien réfléchi, ce que tu décris là, c'est le principe du "web 2.0" dans son ensemble : on met à profit le talent (réel ou supputé) de l'internaute pour en faire sur son dos. Du profit. Pas du talent. Ca sert à rien le talent. Alors que le profit, c'est à dire l'argent, c'est le but de la vie. Non ? Ah bon, s'cusez moi, c'est une erreur ;-)

Gavrix a dit…

Heureusement, Internet a apporté quelques modifications. Il suffit de lire l'article sur le phénomène de la longue traine dans l'industrie culturelle. C'est encourageant.