Ancestor's furious routine ou le secret du basset
Gavrix se prélassait dans les transports en commun lorsque la vision fugace eut lieu. En contemplant la rue depuis son poste d’observation, Gavrix les vit déambuler, en toute impunité, sous ses yeux. Insensibles aux regards des passants elles marchaient telles deux matrones, fières et altières. Pli de tailleur bien repassé et cheveu dompté, elles n’avaient cure de la tragédie humaine qui se tramait devant elles.
Gavrix se demandait quelle portion de son gagne-pain confisqué irait financer la permanente d’une de ces sages créatures. Gavrix voyait des coupures s’envoler au salon de thé, dans une ultime débauche de gloutonnerie pâtissière.
Elles étaient deux, flanquées de deux fiers compagnons canins. Gavrix ne pouvait apercevoir les bêtes mais sentait leur haleine fétide. Leur petit trot semblait inoffensif mais recelait une sourde menace. Tandis que les deux apparitions célestes vadrouillaient, leurs chiens, ou plutôt ce que Gavrix pensait se trouver au bout des laisses, les seules pouvant être aperçues, et bien, leurs chiens restaient vigilants. Gavrix se persuadait qu’en se levant pour mieux voir, il lui serait possible de trouver le basset en guise d’aboutissement d’une des laisses. Le basset, noble et serein, toujours aussi inquiétant s’offrirait à son regard drapé d’une tenue somptueuse, ouvrage matelassé bordé de fourrure.
Si Gavrix se montrait alerte, le basset pourrait même lui révéler deux ou trois secrets de la vie des deux aïeules, dont il était un témoin privilégié. Tout en grignotant sa brochette de viande, il se composerait une gueule énigmatique et ponctuerait son récit de silences pénétrants.
Alors, le lecteur attentif aurait appris que les propriétaires des deux carnassiers en laisse étaient loin de mener une existence paisible propre aux anciens. Le basset aurait décrit des cérémonies occultes lors desquelles nos mamies officiaient. Préparant envoûtements et tirant des cartes, elles réunissaient autour d’elle des cercles influents. Le basset les voyait souvent fumant le cigare et annonçant des présages aux grands de ce monde. Il paraissait qu’elles avaient même ouvert une échoppe sur MySpace, racolant une jeunesse naïve et branchée.
Le basset acheva son récit et se tut. Plus aucune expression ne transparaissait sur sa gueule toilettée. Il fut le messager sournois de la triste vérité et rejoignait désormais le rang canin des chiens bien rangés. Les grand-mères quant à elles continuèrent leur paisible défilé, se tenant bras dessus, bras dessous et scrutant les vitrines dispendieuses.
Gavrix continua son trajet.
Photo slingshot by os gemeos par corsakti sous licence Creative Commons
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